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  • Lu pour vous* : « Explorer la flexibilité des nouveaux modes d’organisation du travail »

    * Synthèse garantie sans IA générative : les analyses proposées incombent uniquement à l’auteur de ce texte et à l’interprétation qu’il a pu (et surtout voulu) faire de l’ouvrage.   Lien vers l'ouvrage   [1] La flexibilité est devenue l’un des maîtres-mots pour qualifier les nouveaux modes de travail et l’évolution des attentes professionnelles des salariés. Ce n’est pour autant pas un terme nouveau dans le monde des entreprises, qui sont depuis longtemps à la recherche d’une plus grande souplesse. Il s’est cependant chargé de nouvelles significations récemment, qui en font un concept multi-forme bien plus complexe qu’il n’y paraît. Le récent ouvrage collectif coordonné par Akim Berkani et Sébastien Tran propose précisément d’ « Explorer la flexibilité des nouveaux modes d’organisation du travail » (éditions EMS) pour en offrir un éclairage à 360° : une lecture indispensable pour mieux comprendre les évolutions en cours et les défis qu’elles représentent.   La flexibilité en entreprise : une notion...flexible La notion de flexibilité telle qu’elle est appréhendée en entreprise se caractérise par une très forte « plasticité » [1] du fait de sa capacité à s’appliquer à une variété de domaines. Comme dans un étrange jeu de miroir, la flexibilité est tellement flexible qu’elle n’a jamais fait l’objet d’une définition théorique unifiée. C’est ainsi « un concept plus opératoire que théorique, c’est-à-dire qu’il est reconnu comme nécessaire dans de nombreux processus de gestion sans jamais avoir obtenu un statut épistémologique affirmé dans une théorie » [2] .   C’est pourtant une notion déjà ancienne, sur laquelle les praticiens et les chercheurs planchent depuis des décennies. L’impératif de flexibilité est en effet apparu en entreprise dès la fin des 30 glorieuses : le travail à la chaîne, qui a permis de reconstruire le pays et de soutenir la croissance économique, bute sur « la prise en compte de la variété ». L’enjeu est alors d’« imaginer une nouvelle architecture qui autorise une plus grande variabilité et une plus grande souplesse » [3]  pour permettre à l’entreprise de mieux s’adapter aux évolutions de plus en plus rapides de son environnement. Les technologies de l’information vont accompagner le développement de nouveaux modèles productifs cherchant à répondre à cet enjeu. Mais la flexibilité est loin de se limiter aux dimensions techniques et opérationnelles. C’est un concept « socio-technique » total qui peut s’entendre de multiples manières : « la flexibilité stratégique (la capacité de l’entreprise à adapter son répertoire de réponses aux variations de l’environnement), la flexibilité des opérations (capacité à proposer des déclinaisons multiples de produits/services et à s’adapter aux variations et aux aléas de la demande), la flexibilité des produits (leur capacité à satisfaire une large variété de besoins grâce à leur conception modulaire ou au principe de la différenciation retardée), la flexibilité organisationnelle, la flexibilité du travail et de l’emploi » [4] . Ces derniers registres touchent au thème central de l’ouvrage : la flexibilité organisationnelle et RH.   La première lecture théorique de la flexibilité dans le domaine des ressources humaines a précisément été proposée en 1971 en distinguant un marché interne (ou primaire) et un marché externe (ou secondaire) : le premier, formant le noyau dur, est composé d’une main d’œuvre stable et bien payée ; le second, en revanche, sert de variable d’ajustement et se caractérise donc pas l’insécurité de l’emploi et la précarité. Cette dichotomie donne lieu à deux types de flexibilité : l’une qui mise sur le développement qualitatif des compétences internes ; l’autre qui s’appuie sur la variabilité quantitative de la main d’œuvre externe. Le croisement de ces deux variables (interne/externe, qualitatif/quantitatif) peut finalement donner lieu à 4 configurations :     Quantitative Qualitative Externe Pratiques d’ajustement des volumes d’emploi en fonction des besoins du marché et des évolutions du marché concurrentiel ·        CDD ·        Interim ·        Sous-traitance de capacité et de spécialité ·        Travail indépendant Action sur le système productif en vue de développer sa flexibilité au regard des besoins liés à l’activité et aux demandes des clients ·        Entreprise réseau ·        Chaîne de valeur étendue ·        Partenariats, alliances, accords de coopétition Interne Pratiques de flexibilisation du temps de travail ·        Heures supplémentaires ·        Annualisation du temps de travail ·        Horaires variables ·        Temps partiel ·        Semaine de 4 jours Pratiques de modification de l’organisation du travail ·        Développement de la mobilité fonctionnelle (mobilité, polyvalence) ·        Construction d’organisations apprenantes favorisant l’autonomie et la responsabilisation des salariés : entreprises libérées, holacratie, sociocratie… ·        Développement de l’employabilité des salariés et pratiques de gestion des talents ·        Télétravail et travail en mode hybride ·        Flex office, co-working...  Comme nous allons le voir, la flexibilité quantitative a fait l’objet de nombreuses critiques et celle qui est aujourd’hui mise en avant par les salariés est avant tout de nature qualitative. Cette voie n’est cependant pas des plus simples car « la flexibilité qualitative interne engage une transformation en profondeur de l’organisation du travail de façon » [5] , qui est loin de se réduire à la conception étriquée que l’on peut en avoir actuellement.   De la flexibilité subie à la flexibilité choisie Nous assistons en effet depuis quelques années à un spectaculaire renversement de situation. Alors que les deux premières décennies du XXIème siècle ont été dominées par la flexibilité quantitative des emplois imposées par les entreprises, progressivement assimilée aux plans de licenciements et donc rejetée par les salariés, la période post-covid marque un virage brutal vers une flexibilité interne qualitative revendiquée par les salariés : « La flexibilité RH qui avait auparavant une connotation négative est actuellement en train d’être vue différemment. Alors qu’elle était assimilée à la précarité de l’emploi, elle dévoile aujourd’hui un certain potentiel d’autonomisation ».   L’impératif de flexibilité en fonction des besoins productifs demeure, évidemment. C’est d’ailleurs la première forme de flexibilité évoquée par les DRH [6] . Mais elle doit désormais être capable de prendre en compte simultanément les aspirations de chacun pour proposer un cheminement professionnel sur mesure dans l’entreprise : « Les politiques RH doivent être suffisamment agiles pour s’adapter à la fois aux fluctuations de la demande et aux aspirations des employés ». Ces deux formes de flexibilité ont la particularité de s’appuyer sur les mêmes ressorts : variabilité des horaires, des compétences, de missions, des contrats, des lieux de travail…. Il pourrait dès lors être simple de les combiner, d’un point de vue théorique. Les horaires flexibles et le travail asynchrone peuvent par exemple permettre de « répondre aux besoins des clients (amplitude horaire d’ouverture élargie), des collaborateurs (planning à la carte), de la stratégie de l’entreprise (filiale à l’étranger avec décalage horaire). [...Mais] Ce qui semble facilitant pour les parties prenantes (clients, fournisseurs, collaborateurs) l’est en revanche beaucoup moins pour le manager qui doit piloter l’équipe » [7] . L’équation n’est en effet pas simple à résoudre à partir du moment où on ne sait plus quel impératif doit dominer (celui de la productivité ou celui du bien être ?) et qui a le dernier mot (l’entreprise ou les salariés ?). Affronter cet aspect sous cet angle conduit par ailleurs à s’interroger sur la véritable portée de cette évolution : les pratiques flexibles de travail actuellement plébiscitées par les salariés sont-elles véritablement synonymes d’une « émancipation » ou cachent-elles une « nouvelle aliénation » [8]  ? Ce sera certainement le cas si le bien-être des individus reste secondaire par rapport à la création de valeur strictement économique : « la flexibilité accordée aux salariés [sera] toujours au service des intérêts de l’entreprise ». Les difficultés de déconnexion [9] qui se sont accrues avec le télétravail semblent être une belle illustration de ce phénomène contre-productif pour les salariés : elles témoignent en effet du développement de « nouvelles formes d’auto-contrôle » et de « servitude volontaire » [10] qui questionnent le « pouvoir d’émancipation » de ces nouvelles pratiques.   Une conception à élargir   Le télétravail n’est cependant que la face « émergée de l’iceberg » [11] , comme le souligne de nombreux contributeurs à cet ouvrage. C’est en effet loin d’être la seule revendication des salariés, particulièrement des jeunes [12] , qui aspirent eux aussi à une flexibilité totale et multi-forme : elle concerne autant les lieux de travail (travail à domicile, en co-working, nomadisme professionnel, espaces de travail sur site adaptatifs), que les horaires (qui doivent s’adapter à leurs contraintes personnelles), les missions et rôles (job crafting), la montée en compétences (en fonction de leurs intérêts et au travers de dispositifs moins rigides [13] ) voire les contrats de travail (temps partiel pour slasher , statut d’auto-entrepreneur, contrats courts sur des missions « à la carte »). L’ensemble de ces dispositifs ont tous une même vocation : favoriser une plus grande autonomie des salariés sur le contenu de leur travail, l’organisation de leur travail et, plus globalement, leur carrière, qu’ils souhaitent désormais gérer en fonction de leurs intérêts (dans tous les sens du terme). Les entreprises souhaitaient des salariés flexibles, capables de s’adapter aux aléas du marché du travail en musclant eux-mêmes leur employabilité : les voilà ! De quoi donner le vertige.   Car ces nouvelles attentes n’interpellent pas seulement les pratiques organisationnelles et RH, elles induisent un changement profond qui « remet en question les structures mêmes des entreprises et redéfinit la relation entre les collaborateurs » [14] . La flexibilité telle qu’elle est appréhendée par les salariés fait ainsi écho aux « nouveaux modèles organisationnels, comme l’entreprise libérée ou encore l’holacratie, [qui] reposent sur les principes d’autonomie et d’auto-organisation » [15] . En s’inscrivant dans cette lignée, les plus jeunes questionnent de manière radicale le management : « ils imaginent un roulement managérial, où les responsabilités de supervision pourraient être partagées ou alternées selon les compétences spécifiques requises à un moment donné. (…) avec une volonté d’horizontalité et de collaboration, où les structures hiérarchiques s’effacent au profit d’une gouvernance plus flexible et participative » [16] . Jacques Igalens rappelle cependant à juste titre dès le début de l’ouvrage que ces nouveaux modèles d’organisation ne datent pas d’aujourd’hui, comme le montrent les travaux du courant socio-technique et l’expérimentation des équipes semi-autonomes auxquels ils ont conduit dès les années 70.   De multiples points de vigilance   L’ouvrage nous invite en conclusion à « voir la flexibilité non pas comme une finalité mais comme un cheminement continu, une opportunité de réinvention permanente ». Mais cette voie est-elle possible ou même souhaitable ? La flexibilité présente en effet des risques à de multiples niveaux.   Au niveau psychologique : un jeu dangereux pour les individus   En s’appuyant sur les travaux de Jacques Elliot, Matthieu Poirot [17] nous propose d’envisager l’organisation comme « un système de lutte contre l’anxiété ». Toute situation de changement peut ainsi « [perturber] un système relationnel mis en place afin de se protéger contre l’angoisse existentielle », induisant une résistance au changement finalement très rationnelle. Ce mécanisme de défense psychologique et inconscient est mis à rude épreuve lorsque « les organisations sont en changement permanent » comme aujourd’hui, que ce soit à la demande de l’environnement ou des salariés eux-mêmes. Il en résulte des attentes paradoxales que l’entreprise doit apprendre à gérer : « les personnes sont en demande d’une réassurance existentielle par l’insertion dans une organisation, mais celle-ci doit être extrêmement respectueuse des singularités ».   Au niveau organisationnel : un jeu d’équilibriste pour les RH   Tiraillés entre logique productiviste et politique de QVCT, les RH doivent composer avec des attentes organisationnelles et des logiques individuelles parfois incompatibles [18] . Plusieurs tensions et paradoxes [19] s’ensuivent au niveau organisationnel : au-delà de problèmes de coordination et d’intégration classiques, l’éclatement du travail et la fragmentation de l’organisation peuvent déstructurer les relations professionnelles et la qualité du dialogue sociale et empêcher la construction d’une relation durable avec les salariés. Les pratiques de flexibilité qualitative interne peuvent également avoir un caractère discriminatoire, lorsqu’elles sont réservées aux salariés les plus qualifiés, détenteurs de compétences clés.   Au niveau sociétal : un jeu acceptable ?   Poussé à l’extrême, comme dans le cas des plateformes de travailleurs indépendants [20] , la flexibilité peut ainsi devenir « insoutenable » sur un plan sociétal, « c’est-à-dire à la fois insupportable pour ceux qui la subissent et incapable de s’inscrire dans la durée » : en aggravant l’exploitation des travailleurs « les plus fragiles, ceux les moins dotés en capital et en qualifications », ce modèle ne peut prétendre être « acceptable » et donc pérenne.   Pour une autre conduite du changement La flexibilité est ainsi une notion complexe, autant dans son contenu que dans sa mise en œuvre. Elle est non seulement multi-forme mais également porteuse de nombreux paradoxes qui appellent une autre manière de conduire le changement en entreprise. Cette nouvelle approche doit accorder une place centrale à la communication comme le révèle le cheminement d’une entreprise libérée [21] . Une transformation aussi profonde de l’organisation nécessite en effet « une intensification de la communication » à tous les niveaux (descendants, horizontaux et ascendants) : le leader doit certes « expliquer sa vision » mais, plus globalement, toute l’information doit devenir transparente pour que chacun comprenne les tenants et aboutissants de son action. La création d’« espaces de discussion » est également indispensable pour assurer la coordination des travailleurs entre eux et définir des méthodes de travail partagées. Matthieu Poirot [22] souligne également l’importance de l’écoute et de la reconnaissance du vécu de chacun dans les périodes de changement potentiellement porteur d’« insécurité ontologique ». Cette approche révèle l’importance de la collaboration mais soulève également des risques importants en termes de surcharge informationnelle : la définition de bonnes pratiques favorisant le soutien social tout en préservant la charge mentale de chacun semble un préalable indispensable et un levier clé pour déployer de manière sereine et constructive des pratiques de travail flexibles audacieuses. [1]      Chapitre 9. Grimaud, A. « La gestion des ressources humains pour la flexibilité : un processus sous tension ». [2]      Chapitre 1. Igalens, J.. « 20 ans de réflexions autour de la flexibilité : quels évolutions et enjeux à l’ère du travail post-covid-19 ? ». [3]      Ibid . [4]      Chapitre 9. Grimaud, A. Op. Cit. [5]      Ibid . [6]      Chapitre 3. Berkani, A. « Les pratiques de flexibilité à l’ère post-covid : quelles attentes et perceptions des collaborateurs ? ». [7]      Chapitre 5. Diard, C., Hachard, V. « Le manager et les défis du management asynchrone ». [8]      Chapitre 2. Estagnasié, C., Hussenot, A. « Panorama des pratiques flexibles de travail ». [9]      Ce sujet est évoqué chapitre 3 et 5 [10]    Chapitre 5. Diard, C., Hachard, V. Op. Cit. [11]    Chapitre 4. Tran, S. « Les enjeux stratégiques des organisations autour de la flexibilité des modes de collaboration ». [12]    Chapitre 3. Berkani, A. Op. Cit. [13]    Voir à ce sujet le chapitre 7. Canet, E., Amiel, A. « Learning in the flow of work », un concept à l’épreuve de la réalité du travail ». [14]    Conclusion [15]    Chapitre 2. Estagnasié, C., Hussenot, A.  Op. Cit [16]    Chapitre 3. Berkani, A. Op. Cit. [17]    Chapitre 8. Poirot, M. « Les apports d’une psychologie existentielle des organisations pour la flexibilité en entreprise ». [18]    Chapitre 4. Tran, S. Op. Cit. [19]    Chapitre 9. Grimaud, A. Op. Cit. [20]    Chapitre 10. Garcias, F., Noury, L. « La flexibilité...jusqu’où ? Limites et conditions de la flexibilité du travail à partir du cas des plateformes de travail indépendant ». [21]    Chapitre 12. Hauch, V., Loufrani, S. « Oser l’expérimentation collective pour transformer l’organisation vers plus de flexibilité : le cas d’une PME dans les services numériques » [22]    Chapitre 8. Poirot, M. Op Cit.

  • Les meilleures solutions pour mesurer les usages de sa Digital Workplace : Lecko, Viva Insight et Mailoop

    Dans un contexte de transformation numérique accélérée, mesurer les usages de sa Digital Workplace est devenu un enjeu stratégique pour les entreprises. Cela permet de mieux comprendre les pratiques collaboratives, d'identifier les leviers d'amélioration et d'optimiser la performance organisationnelle. Parmi les solutions disponibles sur le marché, trois outils se distinguent particulièrement : Gr33t de Lecko , Viva Insights de Microsoft , et Mailoop . Examinons-les en détail pour identifier les avantages et inconvénients de chacune des solutions. 1. Gr33t de Lecko : mobilier les collaborateurs sur l’adoption de pratiques numériques de travail tenables dans la durée Gr33t est une solution proposée par Lecko, spécialisée dans l’analyse des usages collaboratifs. Elle offre : La mesure des impacts environnementaux des usages collaboratifs Le suivi des usages individuels dans un tableau de bord détaillé La gamification de l'adoption des meilleures pratiques entre collaborateurs Des conseils de bonnes pratiques à adopter Avantage :  Gr33t se distingue par son orientation forte sur l’impact environnemental du numérique, intégrant des indicateurs liés à la sobriété numérique très détaillés. Point à considérer :  Gr33t est très orienté sur les bonnes pratiques collaborateurs et moins focalisée sur les causes racines organisationnelles, et nécessite d'adjoindre un accompagnement supplémentaire pour que l'impact de la solution puisse être effectif dans la durée, une fois les campagnes de gamification terminées. 2. Viva Insights de Microsoft : l’analyse intégrée dans Microsoft 365 Viva Insights est intégré à l’écosystème Microsoft 365 et propose des analyses automatisées sur : Productivité individuelle et collective :  des rapports sur le temps passé en réunions, la concentration et la collaboration. Suggestions personnalisées :  des recommandations pour améliorer le bien-être et la gestion du temps. Tableaux de bord à construire avec un Viva Insight Analyst Avantage :  Viva Insights étant intégré à Microsoft 365, son déploiement peut être simplifié pour les équipes IT déjà familiarisées avec cet écosystème. Point à considérer :  les indicateurs proposés manquent de transparence sur les hypothèse de calcul et de nettoyage des données ; les analyses sont orientées pour démontrer l'intérêt de Teams ou de Copilot, et manque de prise de recul ; la solution Microsoft est une plateforme technique qui nécessite ensuite de faire appel à des experts pour sa construction (Viva Insight Analyst). 3. Mailoop : une approche systémique et globale de la mesure des usages Mailoop place la dimension humaine, organisationnelle et stratégique au cœur de sa proposition de valeur, en mixant solution technique et expertise dans la conduite du changement : Tableau de bord dynamique des usages numériques sur cinq dimensions : Qualité de Vie et de Conditions de Travail Numérique, adoption et impact des outils collaboratifs et de l'IA, gestion du temps, impact environnemental des usages numériques, cartographie de la commnication Interface standard type "Power BI" pour permettre une intégration simple et sécurisée pour les équipes IT Analyses multidimensionnelles : globales, par équipe, par niveau hiérarchique, par genre, par catégorie d'âge... Gamme d'ateliers et d'animations d'équipe clés en main exploitant les données du tableau de bord Avantages :  Approche systémique basée sur l’intelligence collective ; expert française de l'Infobésité (co-fondateur de l' Observatoire de l'Infobésité et de la Collaboration Numérique avec Forvis Mazars ) ; seule solution proposant un hébergement des données en France sur des serveurs SecNumCloud. Point à considérer :  le déploiement de la méthodologie Mailoop est un challenge culturel pour les organisations. Si le sujet n'est pas porté à haut niveau, l'adoption de l’outil et des indicateurs ne produit pas l'effet escompté dans la durée. Quelle solution choisir ? Si vous recherchez une approche essentiellement axée sur l’adoption technologique, facilement déployable, Viva Insights  répond bien à vos besoins. Si votre priorité est de mobiliser les collaborateurs à court terme, pour rendre visible rapidement des actions de communication sur les sujet d'impact environnementaux des usages numériques, Gr33t est la solution qu'il vous faut. Si vous êtes dans une approche culturelle et transformative à long terme, et souhaitez construire progressivement les bases d'une nouvelles culture de collaboration responsable, pilotée par la donnée, alors Mailoop s'impose comme la meilleure solution.

  • Droit à la déconnexion : un enjeu mal adressé en entreprise

    Avec le déferlement d’outils numériques qui s’abat sur les entreprises depuis quelques années, le droit à la déconnexion est devenu un enjeu central de la qualité de vie au travail. Introduit dans le code du travail français dès 2016, ce nouveau droit peine cependant à se décliner sous forme de pratiques efficaces. Et si l’enjeu n’était tout simplement pas adressé au bon niveau organisationnel ? Les politiques de déconnexion en entreprise...et leurs travers Les politiques de déconnexion mises en place en entreprise peuvent prendre plusieurs formes, plus ou moins coercitives : incitation à envoyer moins de mails et à utiliser d’autres outils de communication, charte de bonnes pratiques (ne pas envoyer de messages après 18h ou le weekend) voire carrément coupure des serveurs en dehors des heures de travail. Certaines entreprises encouragent également l’usage de fonctionnalités permettant de reporter l’heure d’envoi tardive d’un message au lendemain matin. D’autres surveillent les personnes envoyant des mails à des heures inappropriées et, à partir d’un certain seuil, les invitent à en parler avec leur supérieur. Ces actions bien intentionnées se heurtent cependant toutes au même écueil : la rigidité de formules souvent décorrélées des contraintes du « travail réel » et des aspirations individuelles. Imposer une plage horaire d’interaction arbitraire et monolithique (8h-18h) ne tient en effet compte ni des besoins opérationnels propres à chaque métier, ni des attentes des collaborateurs en termes de flexibilité : > Empêcher d’envoyer des mails après 18h sied mal à certaines activités et peut générer des frustrations ou de l’anxiété, notamment lorsque le travailleur est pris en étau entre les demandes opérationnelles (rendre un dossier au plus vite) et les contraintes techniques (coupure des serveurs après 18h). Loin d’enrayer le problème, ce type de situation aggrave au contraire le stress numérique. Cette pratique peut également avoir un effet boule de neige : si tous les mails tardifs sont envoyés le lendemain ou le lundi à la même heure, certaines messageries risquent d’être totalement surchargées. Le stress occasionné ne sera finalement que reporté à plus tard et condensé sur des plages horaires critiques. > Inciter à utiliser d’autres outils que le mail a pour effet de multiplier les plateformes de communication et de collaboration internes. Dans ce cas, le nombre de messages ne baisse pas nécessairement mais se retrouvent éclaté sur divers dispositifs numériques : ici encore le problème s’est simplement déplacé et s’en trouve même exacerbé lorsqu’il s’agit de retrouver les informations. > Enfin, les pratiques consistant à surveiller individuellement les usages numériques induisent un sentiment de contrôle et de défiance malsain, qui sied mal aux attentes des collaborateurs en termes d’autonomie et de souplesse organisationnelles.   Ce type de préconisations « hors sol » sont ainsi souvent contournées par les salariés et ont donc peu d’effet sur les usages numériques réels . Résultat : l’existence d’une politique de déconnexion ne réduit pas la probabilité que les travailleurs reçoivent des sollicitations en dehors de leurs heures de travail et qu'ils y répondent (1) . Toutefois, comparativement aux organisations qui n’ont pas de politique de déconnexion, ces entreprises voient leurs salariés déclarer un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, un moindre stress et une plus grande satisfaction globale au travail. Ainsi, si ces politiques de déconnexion ont peu d’effets concrets sur les usages du numérique, elles ont en revanche l’intérêt d’envoyer un message fort en interne : dans notre organisation, nous considérons que cette cacophonie numérique est un problème, qu’elle abîme le travail et les personnes. L’hyperconnexion, autrefois signe d’un engagement bien vu au travail, est désormais désapprouvée par la culture d’entreprise. Ce n’est pas rien en termes d’évolution culturelle ! Mais c’est loin d’être suffisant pour faire émerger de bonnes pratiques d’usage.   Les pratiques de déconnexion individuelles...et leurs limites Une approche plus individualisée est donc indispensable pour adapter les pratiques communicationnelles aux besoins de chacun. Nous pouvons en effet tous prendre des mesures à notre échelle, en nous préservant des sollicitations numériques ou en les filtrant selon les moments de notre activité : désactiver ses notifications, indiquer « absent » ou « occupé » dans son agenda et sur le Chat, éteindre sa fenêtre Internet et son téléphone, sélectionner les appels et messages en fonction de l’émetteur ou du sujet, ne pas consulter ses messages sur le temps personnel, etc. Chacun peut également contribuer à mieux structurer les échanges : choix du média le plus approprié (le téléphone plutôt qu’une chaîne de mails), demandes et transmissions d’informations claires et complètes sans être excessives, stockage ordonné des documents que l’on nettoie régulièrement, etc. Cette approche n’est cependant, elle non, plus pas suffisante. Elle peut en effet conduire les organisations à laisser les salariés se débrouiller seuls pour faire respecter leur droit à la déconnexion. Or, face à des outils de communication et de collaboration utilisés de manière collective, l’individu ne peut être seul responsable de la mise en œuvre de ces bonnes pratiques . Elles ont donc besoins d’être soutenues au niveau légal et culturel, mais également au niveau de l’organisation et des collectifs de travail.   L’organisation doit tout d’abord aider chacun à acquérir les compétences lui permettant de reprendre le contrôle de son environnement informationnel. Il n’est pas ici seulement question de maîtriser les fonctionnalités des outils mais également de détenir des compétences bien plus larges  : capacités rédactionnelles, évaluation critique de l’information, stockage réfléchi de l’information, gestion des tentations de dispersion, capacité à gérer sa visibilité et sa disponibilité numérique, etc. Ceci implique de proposer des formations adéquates mais également de dégager du temps sur les plannings de travail pour que chacun puisse y participer, ce qui impacte directement les pratiques de GRH et l’organisation du travail individuelle.   Mais la mise en œuvre de ces bonnes pratiques est également influencée par les habitudes de travail de nos collègues et hiérarchiques . Si au sein d’une équipe, ces pratiques ne sont adoptées que par un seul individu, elles n’auront que peu d’impacts. La personne sera en effet toujours soumise à des sollicitations incessantes. Elle encourt par ailleurs plusieurs risques : passer à côté de messages urgents et importants envoyés par ceux qui continuent d’utiliser les outils numériques à tout va, ralentir le rythme de travail de ses collègues qui attendent des réponses rapides, être mal vu (ou craindre de l’être) par ses pairs mais surtout par ses hiérarchiques, etc. Les cadres et managers ont clairement un rôle d’exemplarité. D’autant qu’ils ont souvent un effet d’entraînement sur l’infobésité et l’hyperconnexion car plus on monte dans la hiérarchie et plus on est susceptible de recevoir mais aussi d’envoyer des sollicitations (2) . OICN (2024). Référentiel annuel 2024 de l’Infobésité et de la Collaboration numérique . Leur statut hiérarchique leur confère également une forte influence sur les usages numériques, que leurs subordonnés auront tendance à mimer pour s’adapter à des supposés attendus. Pour autant, ce n’est pas aux managers seuls de définir les bonnes pratiques d’usage des outils numériques : ce travail doit être mené en concertation avec les membres de chaque équipe pour adapter ces pratiques à leurs besoins opérationnels réels, qui sont nécessairement différents d’une équipe à l’autre.   La définition des bonnes pratiques numériques au niveau des équipes de travail est une piste rarement évoquée , c’est pourtant la plus efficace (3) . C’est en effet à ce niveau là que le travail prescrit s’adapte au travail réel au travers d’une organisation propre aux besoins opérationnels de chaque équipe, selon les compétences et appétences de chacun. Partir de l’équipe permet ainsi de traiter les enjeux de la déconnexion à une maille beaucoup plus fine que les politiques généralistes, sans pour autant tomber dans la sur-responsabilisation individuelle qui est finalement peu pertinente quand il est question de travail collaboratif. Et débattre des outils numériques permet d’interroger plus globalement la manière dont on communique et collabore dans une entreprise, répondant ainsi des enjeux organisationnels bien plus larges.   (1) Eurofound (2023). Right to disconnect: Implementation and impact at company level.  30 novembre 2023 (2) OICN (2024). Référentiel annuel 2024 de l’infobésité et de la collaboration numérique (3) Canivenc, S., Cahier M-L. (2023). Numérique collaboratif et organisation du travail, au-delà des promesses . Presses des Mines

  • Lu pour vous : le rapport du CESE sur l’« Articulation des temps de vie professionnel et personnel : de nouveaux défis »

    Référence du rapport   [1] L’Articulation des temps de vie est devenue une question brûlante depuis la crise sanitaire : la massification du télétravail et, plus largement, l’invasion du numérique dans nos vies (pro comme perso) mettent à mal le droit à la déconnexion, qui peine à sortir du Code du travail pour s’inscrire dans les faits. Ce rapport du CESE, qui s’appuie sur le recueil du point de vue de 10 000 participants et des auditions d’experts, offre l’occasion de revenir sur des notions de base, bien plus complexes qu’on ne le pense. Interroger l’articulation des temps de vie nécessite en effet en premier lieu de mieux comprendre ce qu’est le « temps de travail » et ce qu’est le « temps libre ».   Le temps de travail   Le temps de travail comptabilisé Ce rapport participe tout d’abord à balayer une idée reçue bien tenace : on ne travaille pas nécessairement moins en France qu’ailleurs. La durée hebdomadaire légale y est effectivement inférieure aux autres pays, du fait des 35h. La durée négociée par accord pour les temps plein est en revanche légèrement supérieure : à 35,6h...comme en Allemagne. Enfin, la durée habituelle déclarée par les travailleurs à temps plein est nettement plus élevée : 39,1h, ce qui place la France devant le Danemark et la Norvège, proche de la Finlande et pas si loin de l’Allemagne.   Pays Durée légale hebdomadaire Durée hebdomadaire normale fixée par accord Nombre moyen d’heures habituellement travaillées par salariés à plein temps (enquête par sondage) France 35 35,6 39,1 Allemagne 48 35,6 40 Danemark 48 37 37,6 Finlande 40 37,5 39,2 Norvège 40 37,5 38,4 Suède 40 39,8 39,9   Finalement, la durée « habituelle » de travail est toujours inférieure à la durée légale, sauf en France . Le rapport avance plusieurs facteurs explicatifs : les heures supplémentaires, qui sont fréquentes dans notre pays (elles concernent un ouvrier sur deux et 37 % des salariés hors forfait jours) et qui tendent à augmenter depuis 2020 ; le forfait-jours, qui fait grimper la durée effective de travail hebdomadaire à 44,6h en moyenne pour les 13,3 % de salariés concernés (dont près d’un cadre sur deux). Le CESE invite à cet égard les entreprises françaises à mieux évaluer la charge de travail , en intégrant notamment cette problématique aux entretiens professionnels.   D’autres études comparent également les pays sur la base du temps de travail annuel en décomptant les absences et les congés. Mais ici encore, malgré ses cinq semaines de congés payés, ses RTT et son taux d’absentéisme, la France n’a pas à rougir : avec 1668 heures de travail annuel effectif, elle se situe effectivement dans la tranche basse (durée inférieure à 1700h) mais au même titre que la Suède, les Pays-Bas, la Belgique et le Danemark. L’Allemagne (à 1792h) se situe dans une tranche médiane. C’est en Grèce, Bulgarie et Roumanie que l’on travaille le plus (durée supérieure à 1900h). Notons également qu’il existe des différences importantes selon les catégories socio-professionnelles : les cadres français travaillent ainsi 1850 heures par an en moyenne. Et si on ajoute aux salariés à temps plein, ceux à temps partiel (dont la proportion est assez faible en France) et les indépendants (dont le temps de travail annuel dépasse les 2000h), notre pays devance l’Allemagne (1604h contre 1553h) et l’ensemble des pays du nord de l’Europe ! De quoi remettre les pendules à l’heure...   Le temps de travail ressenti Mais le temps de travail ne se limite pas à celui de l’horloge et du calendrier : il dépend également de la manière dont il est vécu. Le rapport du CESE note ici une intensification progressive du travail, qui impacte les rythmes de travail [2] . Les enquêtes de la DARES [3] montrent que ce mouvement a débuté en 2005 puis s’est stabilisé à un niveau élevé en 2013 pour reprendre de plus belle avec la crise sanitaire. La consultation menée par le CESE confirme ces analyses : 75 % des répondants ont l’impression que leurs journées de travail sont de plus en plus intenses depuis la crise sanitaire. Ce sentiment est particulièrement élevé chez les femmes et les personnes ayant des engagements importants en dehors de leur travail salarié (foyers monoparentaux, aidants, bénévoles). S’il est beaucoup question depuis le télétravail de l’intrusion de la sphère professionnelle dans la vie personnelle, les activités hors travail peuvent également avoir un impact important sur le temps de travail ressenti . Leur articulation harmonieuse n’en devient que plus nécessaire.   Le temps libre   Si le Code du travail définit clairement le temps de travail, ce n’est pas le cas du temps libre.  Le CESE appelle ici la France à mieux le caractériser juridiquement en rappelant que « le droit au repos constitue un droit fondamental inscrit dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ». Le temps libre n’apparaît en effet pour le moment qu’« en creux », par opposition au temps de travail effectif. Celui-ci renvoyant au « temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles », le temps libre serait donc celui où on peut « vaquer librement à ses occupations personnelles ». Cette vision très manichéenne n’est cependant pas satisfaisante : c’est en effet oublier que le temps hors travail n’est pas toujours du temps « libre » , pour soi en tous cas. Il peut au contraire être très contraint, selon ses obligations personnelles et notamment sa situation familiale. Le CESE souligne en particulier l’influence des inégalités de genre , qui pèsent sur le temps de repos des femmes mais également sur leur rémunération et leur carrière. Il alerte également sur l’ aidance  : une tendance de fond avec le vieillissement démographique « qui exige que de nombreux salariés dégagent du temps ». Le lieu et les conditions de vie  peuvent aussi fortement impacter le temps dit « libre » et son articulation au temps de travail : « accès difficile à un logement proche du lieu de travail ; temps de transports importants ; situations de la vie qui préemptent le temps théoriquement disponible : familles monoparentales, aidants, personnes en situations de handicap, gestion du foyer, de sa santé et des tâches parentales, domestiques et administratives ; déficit de dispositifs de soutien à la parentalité disponibles à proximité du lieu de travail ou d’habitation ». Mais ce temps soi-disant libre peut également être entravé par les « facilités que donnent les technologies de l’information et de la communication, qui rendent techniquement tout le monde joignable en tout temps et en tout lieu  ».   « Le » droit à la déconnexion :   Dans ce contexte le droit à la déconnexion (des outils numériques et plus globalement du travail) est une revendication largement partagée. Tout le monde n’aspire cependant pas aux mêmes modalités d’application  : un clivage se dessine ici entre ceux qui souhaitent ne pas être dérangé pendant les horaires collectifs conventionnels (49%), et ceux qui préfèrent des horaires de connexion/déconnexion personnalisés (51%). La première catégorie est majoritairement composée de personnes de 26 à 35 ans, sans enfants (quelles soient célibataires ou en couple) et qui occupent des postes d’ouvriers, d’employés et de professions intermédiaires. La seconde compte d’avantage de personnes de plus de 56 ans, de foyers monoparentaux et de bénévoles, qui sont cadres ou indépendants.   Mais les ressentis peuvent également différer en fonction d’une myriade d’autres facteurs dessinant « une mosaïque de situations ». Le CESE encourage ainsi à opérationnaliser le droit à la déconnexion en prenant en compte les différentes situations personnelles selon les périodes de la vie. Pour autant cette personnalisation de l’organisation du travail ne doit pas se faire au détriment du collectif pour les répondants. Celui-ci représente en effet une source de « soutien social » indispensable pour faire face à l’intensification du travail.   Émerge ainsi une « équation nouvelle » : davantage de liberté et d’autonomie dans l’articulation des temps de vie sans nuire au collectif de travail . Un exercice d’équilibriste où « le dialogue social et professionnel a toute sa place, y compris pour éviter une répartition inéquitable de la charge de travail et des droits de chacun ».   [1]    Conseil Économique, Social et Environnemental (2024). Articulation des temps de vie professionnels et personnel : de nouveaux défis ». https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2024/2024_06_articulation_temps_vie.pdf [2]   Cette intensification se traduit notamment par l’imposition d’un rythme de travail par des machines ou des contraintes techniques ; des normes de production à satisfaire à court terme, des exigences du travail comme devoir se dépêcher, travailler sous pression, interrompre une tâche pour répondre à une demande urgente ; un faible degré d’autonomie. [3]   Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques

  • Lu pour vous : les rapports Civilinum sur les incivilités numériques professionnelles

    Le projet CIVILINUM visait à documenter et analyser les manifestations d’incivilité liées à l’usage d’outils et de dispositifs de communication numériques dans un cadre de travail. En ce mois de janvier, la tradition nous incite à échanger des vœux pour entamer la nouvelle année sous les meilleurs auspices. Chez Mailoop, nous vous souhaitons une année riche en collaborations numériques fructueuses et respectueuses. Pour en faire plus qu’un vœu pieu, on a lu pour vous les précieux rapports issus du programme de recherche Civilinum [1] sur les incivilités numériques auquel a participé Aurélie Laborde que nous avons le plaisir de compter parmi les membres de l’ Observatoire de l'Infobésité et de la Collaboration Numérique . Un éclairage indispensable pour faire enfin du numérique un allié de pratiques de travail plus saines et constructives.   Les incivilités professionnelles Les incivilités renvoient à des violations de faible intensité des règles de respect, d’attention et de courtoisie qui font l’objet d’un consensus implicite dans un groupe social. Il n’est pas simple d’identifier une interaction incivile : - pour celui qui en est à l’origine, l’incivilité n’est pas toujours le fruit d’une intention volontaire de nuire à autrui et relève parfois de la simple maladresse inconsciente - quant à celui qui en est victime, la perception de l’incivilité varie grandement selon les individus (seuil de tolérance, cadres de références personnels) mais également en fonction de la situation dans laquelle on se trouve (contexte organisationnel, lieu et moment de l’interaction, canal de communication utilisé). Autant de variables qui conduisent souvent à minimiser les incivilités dans le monde professionnel, et, se faisant, à les banaliser dans le quotidien de travail. Ces phénomènes sont ainsi « largement sous-estimés par les managers et les directions d’entreprise » .   Les recherches menées sur le sujet révèlent pourtant son importance, tant en termes de QVCT que de productivité. Les incivilités au travail sont en effet décrites comme des « stresseurs chroniques » : l’accumulation quotidienne de ces petites frustrations peut créer des environnements sociaux nocifs qui entravent la coopération et la motivation au travail, ce qui finalement pèse sur l’engagement professionnel et organisationnel mais également sur la performance.  Elles ont donc des coûts significatifs autant pour l’individu que pour l’organisation. Les recherches montrent également que les incivilités au travail vont croissant depuis une dizaine d’années, de concert avec la dématérialisation numérique des interactions professionnelles et, plus globalement, le développement « de nouvelles formes d’organisation du travail (intensification, accélération, multiplication et complexification des tâches) ».   Les incivilités numériques Les outils numériques peuvent venir démultiplier ces phénomènes  : en prolongeant les incivilités professionnelles habituelles au-delà du présentiel en générant de nouvelles formes d’incivilités. La surcharge d’informations et de sollicitations qui pouvaient préexister s’accroît et se double désormais d’une potentielle intrusion dans la vie privée. Les messages numériques peuvent également entraîner des formes de désinhibition et de déshumanisation dans les échanges . L’absence de contexte peut aussi favoriser les incompréhensions .   Les enquêtes réalisées par Civilinum dressent un panorama concret des incivilités numériques recensées dans le monde professionnel : - certaines sont liées à la forme des interactions numériques (vocabulaire et ton employé ; absence de formules de politesse ; messages ambigus ; taille et couleur de police ; usage abusif de majuscules et de signes de ponctuation ; etc.) - d’autres sont davantage liées aux mésusages des outils numériques et particulièrement à leur utilisation excessive (abus de sollicitations et de relances ; sollicitations multiples sur plusieurs outils en parallèle ; envoi de messages en dehors des horaires d’activité ; multiplication inutile des destinataires et des mises en copie de « témoins » engendrant la réception de messages perçus comme inutiles ; choix d’un média de communication inapproprié ; etc.).   Chaque outil est également porteur d’incivilités qui lui sont propres : - pour les e-mails, les pratiques considérées comme les plus inciviles sont les demandes qui restent sans réponse et qui nuisent à l’avancée du travail (pour 47 % des répondants), la multiplication d’injonctions sans discussion possible (39%) ainsi que l’ excès de mises en copie et des « répondre à tous » (39%). - en visioconférence, ce sont les participants qui monopolisent la parole ou qui se permettent de téléphoner en parallèle sans couper le son ou la caméra (38%). En revanche, le fait de ne pas allumer sa caméra n’était pas particulièrement perçu comme incivil à l’époque de l’enquête menée par Civilinum (2021). Les auteurs pointent ici « la compréhension et l’empathie dont les individus ont fait preuve » durant la crise sanitaire. On peut également se demander si l’usage de la visioconférence pour scruter des visages (dont le sien) est un usage pertinent au regard de la fatigue cognitive que cela induit et qui a d’ailleurs commencé à être mieux documentée dès cette époque [2] . Des recherches antérieures ont ainsi montré que la vidéo est plus appropriée pour transmettre des images du travail lui-même (graphiques, tableaux, schémas) que des vues des participants [3] . - sur messagerie instantanée, ce sont les propos agressifs ou insultants (phénomène qui pourrait témoigner du ton plus informel utilisé sur ces outils).   Les enquêtes de terrain révèlent également que les personnes en position hiérarchique sont plus souvent à l’origine de certaines formes d’incivilité (sollicitations hors horaires, absence de formule de politesse). Leur statut hiérarchique tend également à accroître l’exigence de réactivité perçue par les destinataires. Mais ils en sont également plus souvent victimes (sollicitations hors horaires ; sollicitations parallèles sur de multiples canaux ; messages inutiles ; ton abrupt ; absence de réponse). Au-delà du statut hiérarchique, la taille de l’organisation peut également être un facteur aggravant du fait de la multiplication des interlocuteurs, qui entraîne automatiquement une augmentation des messages et des sollicitations. L’obligation accrue de rendre des comptes peut également favoriser l’abus des mises en copies et des « répondre à tous ». Le secteur d’activité a également une influence : si les incivilités numériques sont plus fréquentes dans le privé, elles sont en revanche moins bien vécues dans le secteur public.   Ces phénomènes restent cependant très peu signalés , pour plusieurs raisons : banalisation des incivilités, manque de sensibilisation des individus à cette question, absence d’indicateurs dédiés dans les systèmes de signalement classiques (qui souvent se limitent aux déclarations d’agressions, d’insultes ou de menaces en présentiel).   Une problématique avant tout organisationnelle   Une des erreurs courantes, comme souvent avec l’usage des outils numériques, consiste à partir du principe que les tords sont uniquement de la responsabilité individuelle de l’incivil, qui doit apprendre à se discipliner. Les analyses issues du programme Civilinum montrent au contraire que les incivilités professionnelles, y compris numériques, sont indissociables du contexte organisationnel dans lequel elles se déroulent. En effet, « les facteurs qui expliquent à la fois la fréquence des incivilités numériques et la gêne occasionnée, sont principalement des facteurs organisationnels » de deux ordres : les contraintes de temps et de charge de travail, qui expliquent à elles seules 40 % des incivilités numériques l’absence d’autonomie au travail et le contrôle de l’activité qui en expliquent 27 %. « Les incivilités numériques, plus que le fait d’individus incivils en particulier, révèlent ou exacerbent des difficultés organisationnelles et communicationnelles existantes ».   La situation est d’autant plus critique que, contrairement aux échanges en présentiel, les normes sociales des interactions numériques ne sont pas encore stabilisées  : cette absence de règles d’usages partagées explique en grande partie le développement des incivilités numériques dans le monde professionnel. Mais en la matière, les chartes de bonnes pratiques restent souvent « sans effet si elles ne sont pas accompagnées de réflexion sur les conditions de travail qui poussent les individus à devenir incivils ». Ces règles d’usage gagneront ainsi à être « co-construites avec les salariés (…) à l’échelle de petits collectifs de travail voire de binômes », pour les adapter aux réalités du travail quotidien, et au plus près des attentes des usagers. Ainsi, certaines équipes peuvent juger utiles les mises en copie systématique, là où cette pratique sera considérée comme incivile dans d’autres groupes ayant développé des habitudes de travail différentes. Dans la même veine, 34 % des répondants interrogés dans le cadre des enquêtes de Civilinum se disent gênés par les courriels abrupts sans formule de politesse, 39 % n’y sont sensibles que de manière modérée tandis que 28 % n’en sont pas du tout affectés. Les variations de perceptions individuelles et de contexte opérationnel selon les équipes incitent ainsi à faire redescendre la problématique au plus près du travail réel. Il s’agit donc moins d’établir une règle générale valant pour tous, que d’amener chacun à ouvrir la réflexion et le dialogue avec ses collègues sur les usages et les limites considérés comme acceptables.   Et le télétravail dans tout ça ? On pourrait croire que le télétravail a nécessairement accru les incivilités numériques avec le développement des interactions à distance. Les constats dressés par Civilinum sont beaucoup plus nuancés. Les enquêtes menées révèlent qu’au regard des incivilités numériques, le télétravail a surtout exacerbé les pratiques d’autonomie et de contrôle, témoignant du poids des pratiques organisationnelles dans ces phénomènes. Ces deux variables sont impactées conjointement, faisant du télétravail un terreau propice autant à l’atténuation qu’à l’exacerbation des invincibilités : d’un côté, 50 % estiment être confrontés à des rythmes ainsi que des charges d’activité et d’information plus élevés, 42 % considèrent qu’ils doivent être plus visibles et 31 % soulignent des attentes accrues (disponibilité permanente, contrôle de l’activité, planification des tâches, donner des preuves de son travail) ; de l’autre côté, 82 % des répondants témoignent également de la plus grande autonomie dont ils bénéficient, leur permettant d’organiser leur charge de travail et de traiter les flux communicationnels plus librement...même s’ils sont plus élevés. Une nouvelle fois, ces constats valent particulièrement pour les cadres et managers.   Au final, les ressentis quant à la qualité des relations sociales en télétravail sont très contrastés. Certains témoignent de relations plus sereines et collaboratives. Les auteurs pointent ici l’importance du contexte sanitaire qui a favorisé, pour plusieurs répondants (notamment chez les femmes), des relations plus authentiques et solidaires mais également des opportunités d’ouverture aux autres. Mais certains répondants soulignent aussi des avantages intrinsèques au télétravail, indépendamment du contexte : la possibilité de se tenir à distance des individus toxiques, des conflits ou des « tracasseries superficielles » du quotidien ; l’occasion d’expérimenter une organisation du travail plus efficace et respectueuse de l’activité d’autrui (comme solliciter de manière ciblée la personne la plus à même de nous aider, plutôt que de déranger systématiquement son collègue le plus proche). A l’opposé, d’autres répondants soulignent que le télétravail sanitaire a été source de tensions et de déshumanisation dans les échanges, d’isolement et d’une perte de lien social ainsi que de difficultés de coordination (notamment chez les jeunes en début de carrière qui ont peiné à joindre leurs collègues). Les analyses menées par Civilinum soulignent à nouveau que « ce sont essentiellement des facteurs organisationnels qui ont provoqué une augmentation de l’« irrespect » et des tensions : la surcharge de travail, le manque de préparation, l’absence de cadre défini.   En filigrane, se dégage des témoignages recueillis par Civilinum, un enseignement fort : le télétravail sanitaire semble avoir été une occasion de réfléchir aux pratiques organisationnelles et communicationnelles médiatisées par les outils numériques, dont les usages ne sont toujours pas stabilisés. Il s’agit désormais de capitaliser sur ces premiers apprentissages à la lumière de ce que nous révèlent les travaux de recherche.   [1] Programme de recherche académique financé par la Région Nouvelle Aquitaine et composé de chercheurs de 5 laboratoires en psychologie sociale, psychologie du travail, droit du travail et sciences de l’information et de la communication. Il est piloté par Valérie Carayol et Aurélie Laborde (Université Bordeaux-Montaigne) et a réalisé deux rapports : « Le numérique : nouvelles sources d’incivilités au travail. Expériences, usages, droits, témoignages, définitions » (2019) ; « Télétravail et incivilités numériques en période de pandémie. Enquête qualitative et quantitative auprès de télétravailleurs » (2022). https://civilinum.u-bordeaux-montaigne.fr/ [2]  Bailenson J (2021). «Nonverbal Overload: A Theoretical Argument for the Causes of Zoom Fatigue ». Technology, Mind, and Behavior , vol. 2, no 1, Février 2021; Shockley KM, Gabriel AS et al.  (2021). « The fatiguing effects of camera use in virtual meetings: A within-person field experiment ». Journal of Applied Psychology , vol. 106, n°8, Août 2021 [3]  Navarro C (2001). « Partage de l’information en situation de coopération à distance et nouvelles technologies de la communication: bilan de recherches récentes», Le travail humain , vol. 64, n°4.

  • Less is more : du solutionnisme technologique à la simplification organisationnelle

    Vos équipes souffrent du trop-plein de mails ? Adoptez Teams ! Vos réunions sont improductives ? Utilisez cette IA générative qui rédige automatiquement des comptes-rendus ! Vos collaborateurs sont démotivés ? Mais testez donc cette nouvelle application de feedback ! A chaque problème sa solution comme dirait l’autre. Sauf que proposer systématiquement des solutions techniques à des problèmes socio-organisationnels s’avère souvent un leurre.   Un outil technologique, si innovant soit-il, n’aura en effet jamais le pouvoir de résoudre en lui-même et à lui seul des problématiques humaines telles que la collaboration ou l’engagement au travail. Elles peuvent certes faciliter l’activité de travail mais elles n’ont aucun pouvoir de reconfigurer les dimensions psycho-sociologiques de ce dernier. Au comble de la déception, vous constatez après 6 mois de licences chèrement payées que tous ces outils n’ont fait que déplacer le problème, sans le résoudre et parfois même en l’aggravant : les nouveaux outils collaboratifs n’ont pas fait disparaître les mails mais s’y sont seulement surajoutés, formant un mille-feuille communicationnelle ingérable. Le nombre de messages numériques n’a pas baissé d’un poil, ils se retrouvent juste éclatés sur divers dispositifs numériques (mails, chat, canaux ou équipes). Résultat : la souffrance numérique est exacerbée car plus personne ne sait où consulter ou poster l’information pertinente, celle qui est vraiment nécessaire pour bien faire son travail l’IA, quant à elle, a pour seul véritable intérêt de conforter l’entreprise dans sa capacité à suivre la course à l’échalote technologique. Certes, toutes les réunions ont désormais leur compte-rendu, mais personne ne les lit et les réunions n’en sont pas pour autant devenues plus dynamiques et productives. Au contraire même selon certains : le fait de savoir que chaque parole est consignée par un logiciel incite à l’auto-censure. Une couche de plus pour torpiller définitivement ce cérémonial déjà très codifié à la base et qui s’est hyper-formalisé avec les visio-conférences. L’application de feedback, après avoir suscité la curiosité de quelques « early adopters », a vu son taux d’utilisation chuter à 0. Le peu de personnes qui en connaisse l’existence et qui ont testé l’application n’ont pas vraiment compris son utilité...Beaucoup l’apparentent à un pur gadget numérique : « encore un » disent les mauvaises langues, qui sont de plus en plus nombreuses face à cette débauche digitale insensée. Étrangement, le dernier baromètre social indique que le niveau d’engagement et la fierté d’appartenance à l’entreprise a encore baissé... Que faire ? Attendre la prochaine révolution digitale ? Çà ne devrait pas tarder, d’ailleurs le métavers n’a pas dit son dernier mot... Et si on changeait plutôt d’approche ?   L’ensemble des phénomènes décrit précédemment s’apparente à des changements paradoxaux où « plus ça change, plus c’est la même chose » et souvent pire c’est. Ce phénomène, les chercheurs l’appellent « changement de type 1 »[1] : il consiste à modifier quelques éléments internes tout en préservant les règles du jeu qui gouvernent le système dans sa globalité. Il en va ainsi quand on se contente de régler un problème humain avec un outil technique ou une nouvelle procédure gestionnaire ou encore en installant un baby-foot dans la salle de pause. Il est donc possible d’amorcer de véritables changements à partir du moment où l’on est prêt à s’attaquer aux normes qui guident les actions individuelles et collectives. Comme on s’en doute, le chemin est beaucoup plus périlleux. Il implique en effet d’ouvrir les boîtes noires sur lesquelles on se contente généralement de coller un sparadrap : celles de l’organisation du travail et des conditions de travail. Et en la matière, l’enjeu semble beaucoup moins de rajouter des choses (des outils, des procédures, des baby-foot) que d’en enlever pour alléger une charge de travail qui semble devenir insoutenable[2]. Nos organisations ont besoin d’un vaste effort de simplification pour préserver à la fois la qualité du travail bien fait et la qualité de vie au travail : « less is more » comme disait l’architecte Mies van der Rohe. Et si le trop plein de mails, les réunions improductives et la démotivation généralisée n’étaient que le symptôme d’une organisation du travail défectueuse ? Et si, plutôt que de rajouter des outils, on essayait plutôt de trouver des moyens de collaborer plus efficacement pour éviter les sollicitations numériques incessantes et les tunnels de réunions à rallonge ? Et si, in fine , ce processus améliorait l’engagement des travailleurs au travers d’une meilleure expérience collaborateur qui leur laisse enfin le temps de vraiment travailler.   C’est plus complexe que d’acheter un outil, certes : ça nécessite un effort réflexif, loin de de la « paresse managériale »[3] qui domine actuellement. Cet effort est d’autant plus important quand il s’agit de simplifier l’existant. Des études en psychologie[4] montrent en effet que pour résoudre un problème, le cerveau humain a tendance à se tourner spontanément vers l’ajout de nouveaux éléments, même lorsqu’il est plus logique d’en retrancher...Ce phénomène a priori irraionnel s’explique par deux mécanismes assez simples : soustraire demande tout d’abord plus d’efforts cognitifs qu’additionner ; d’autre part, nous associons inconsciemment la soustraction à la perte. Ces deux mécanismes conjugués nous conduisent à systématiquement voir dans le plus un mieux, même quand l’accumulation nous complique la vie. Cet effet de « contre-productivité » a été initialement théorisé dans les années 1970 par Ivan Illich : à partir d’un certain seuil, le développement d’un outil (objet ou institution) devient dysfonctionnel et nuit au but qu’il était censé servir.   Si le chemin s’annonce ardu, il est aussi beaucoup plus enthousiasmant. Finalement, les machines ne nous ont pas encore tout pris : c’est à nous qu’il revient d’inventer les nouvelles pratiques organisationnelles qui sauront tirer parti du potentiel que nous offrent les nouvelles technologies. En commençant par les utiliser moins et mieux. Suzy Canivenc, Directrice Scientifique de Mailoop et Chercheure à l' Observatoire de l'Infobésité et de la Collaboration Numérique (OICN) [1]      Watzlawick, P., Weakland, J., & Fisch, R. (1975). Changements. Paradoxes et psychothérapie . Seuil. [2]      Plusieurs études récentes notent en effet une intensification de la charge de travail ressentie : Institut Montaigne (2023).  Les Français au travail : dépasser les idées reçues . Février 2023 ; Haut commissariat au plan (2023). La grande transformation du travail : crise de reconnaissance et du sens du travail . Octobre 2023 ;   Eurofound (2023). Right to disconnect: Implementation and impact at company level.  Novembre 2023. [3]      Dupuy, F. (2011). Lost in management, la vie quotidienne des entreprises au XXIe siècle.  Seuil. [4]      Adams, G. S., Converse, B.A., Hales, A.H., & Klotz L. E. (2021). « People systematically overlook substractive changes ». Nature , n° 592, p. 258-261.

  • Lu pour vous : « Connectés et heureux, du stress digital au bien-être numérique » écrit par Didier Courbet et Marie-Pierre Fourquet-Courbet

    En novembre 2024, Marie Ged a eu l’occasion de débattre de l’infobésité avec Didier Courbet à l’occasion du Forum des réseaux de l’entreprise. Un échange très riche qui nous a donné envie d’en savoir plus sur les travaux de ce chercheur en Sciences de l’Information et de la Communication. A contre-sens des discours dystopiques qui entourent la déferlante digitale dans nos vies, il nous offre une vision bien plus nuancée et constructive dans son ouvrage « Connectés et heureux, du stress digital au bien-être numérique » co-écrit avec Marie-Pierre Fourquet-Courbet. Preuves à l’appui, on y apprend que « les médias, notamment numériques, peuvent générer des émotions positives, apaiser nos émotions négatives, permettre de récupérer des ressources en cas de fatigue ». Si cet ouvrage traite des médias numériques au sens très large (mails, chat, sms, jeux vidéos, cinéma, série TV, etc.) mêlant pêle-mêle les cas d’usage privé et professionnel, les enseignements tirés de la compilation de plus de 300 références académiques contribuent à éclairer la problématique des outils numériques spécifiquement professionnels qui nous passionne à Mailoop et à l’OICN.    L’infobésité Les auteurs privilégient ici le concept de « surcharge numérique » au sens large, défini comme « le sentiment d’être surchargé par de nombreuses ou permanentes sollicitations et informations numériques (SMS, notifications, appels téléphoniques, etc.) auxquelles il faut, en outre, répondre rapidement ». Cette définition souligne la dimension très subjective de ce phénomène, qui « ne vient pas du nombre factuel de message, ni de l’urgence objective de la réponse, mais de la perception que les récepteurs en ont ». Mais ce sentiment personnel « dépend également de notre plus ou moins grande capacité à pouvoir nous y adapter ». Si les auteurs soulignent ici avant tout les capacités individuelles d’adaptation (qui seraient plus élevées chez les jeunes et les personnalités en « recherche de sensations »), les ressources organisationnelles mises à disposition de chacun peuvent également jouer un rôle essentiel dans la sphère professionnelle.   Les auteurs soulignent ici l’importance de prendre conscience de ces phénomènes pour pouvoir adopter des stratégies d’adaptation réfléchies. Lorsqu’elles font défaut, nous avons tendance à faire face à cet excès d’informations en travaillant en multi-tâches, ce qui engendre une grande « dépense d’énergie cognitive » pour passer rapidement d’un sujet à un autre mais également pour se reconcentrer sur sa tâche initiale. Un cercle vicieux s’enclenche alors entre stress et baisse des performances : « la surcharge d’informations génère du stress qui, à son tour, diminue les capacités cognitives ». Cette stratégie d’adaptation par défaut n’est donc pas adaptée selon les auteurs, qui préconisent au contraire de réaliser les différentes tâches de manière séquentielles plutôt que concomitantes. La problématique de la surcharge informationnelle et numérique a ainsi un impact direct sur l’organisation du travail .   L’hyperconnexion Les conséquences délétères de l’hyperconnexion sont bien documentées, avec des « impacts négatifs à long terme sur les processus cognitifs (capacité d’attention, créativité, prise de décision, etc.), les relations personnelles et familiales et même la santé physique ». Les causes de ce phénomène sont cependant moins claires. Est-ce le résultat d’une forme d’addiction au numérique comme on l’entend souvent ? Les travaux de recherche investis par les auteurs sont ici contrastés. Si certains soutiennent cette hypothèse, d’autres réfutent l’idée d’une addiction qui seraient purement numérique : les comportements excessifs et compulsifs dans ce domaine ne seraient que le prolongement d’autres comportements du même type hors ligne (jeux, sexe, achats, etc.). D’autres encore jugent la notion d’addiction excessive et lui préfèrent l’expression d’« usage compensatoire d’Internet » : ces comportements cacheraient une simple recherche de distraction face à des tâches peu stimulantes voire difficiles. Le ressort n’est alors plus celui de l’addiction mais de la « fatigue psychologique » qui « agit comme un signal indiquant qu’il est temps pour l’individu de changer d’objectif et de type de tâche, pour qu’il récupère des ressources s’il veut continuer à être performant (…). Jouer à un jeu sur son mobile, regarder une vidéo amusante, consulter ses notifications, envoyer des sms sont des activités de divertissement qui permettent de récupérer des ressources » en se relaxant et en reprenant le contrôle de soi. Au-delà des comportementaux individuels à l’origine de l’hyperconnexion, les auteurs notent également que « parfois, ces personnes [hyperconnectées] ont une surcharge de travail qui les oblige à rester connectées ». Loin d’être une problématique strictement individuelle, l’hyperconnexion professionnelle est ici encore à analyser au prisme de l’organisation et des conditions de travail .   Les effets bénéfiques de la déconnexion sur le bien-être physique et mental sont également documentés. Ils sont cependant décuplés à long terme si cette mise en retrait s’accompagne d’une attitude réflexive sur ses usages numériques. Les cures de désintoxication digitale ne peuvent ainsi suffire en elles-mêmes et doivent « s’accompagner, pendant et après, d’une véritable réflexion sur les liens entre l’hyperconnecté et ses pratiques digitales ». Mais ces effets bénéfiques vont bien au-delà de la simple déconnexion en dehors des horaires de travail : ainsi, « les salariés qui se limitent à 3 séances de vérification d’e-mails dans la journée ont un niveau de stress moindre, sont plus productifs et satisfaits au travail ». Ces résultats nous incitent en substance à inverser la stratégie habituelle  : il ne s’agit plus d’aménager des créneaux de déconnexion sur les plages de travail, mais plutôt de réserver des plages spécifiques aux moments de connexion numérique dans les plannings.   Mais la déconnexion peut également être anxiogène quand elle est subie, comme le révèle la nomophobie (contraction de « no mobile phobia ») qui renvoie au stress généré par le fait d’être séparé de son mobile, ou par la simple peur de l’être. Cette situation peut s’accompagner d’émotions plus ou moins intenses : de l’inconfort au stress voire la peur. Stress et connexion numérique semblent ainsi entretenir un lien ambivalent : autant l’hyperconnexion que la déconnexion peut être anxiogène... Le problème n’est peut-être pas la connexion en elle-même : ce serait plutôt le caractère subi (de l’hyperconnexion comme de la déconnexion) qui serait en jeu.   L’hyper-réactivité  Ici encore, l’analyse incite à aller au-delà de l’approche individuelle pour adopter un prisme organisationnel . Les auteurs soulignent en effet que nous ne gérons pas les sollicitations numériques uniquement en fonction de nos préférences et pulsions individuelles mais également « en fonction de normes et des attentes sociales » , qui nous imposent de répondre de plus en plus vite depuis le développement du smartphone. Les personnes les plus impactées par cette hyper-réactivité seraient « les personnes consciencieuses (respectant les obligations et auto-disciplinées) et aimables (cherchant l’harmonie sociale) »...bref, le collègue et le collaborateur idéal, qu’on a peut-être tendance à encourager inconsciemment dans ce type de pratiques.   Le FOMO Toutes les analyses ne sont cependant pas transposables au monde professionnel. Et c’est d’ailleurs l’un des grands apports de cet ouvrage que de rappeler les ressorts psycho-sociaux de certains phénomènes que l’on pense pourtant bien connaître, tels que la FOMO (Fear of missing out, ou peur de rater quelque chose). Si ce concept est souvent mobilisé pour expliquer l’hyperconnexion professionnelle, il semble pourtant mal taillé pour s’appliquer au monde du travail. Ce syndrome a en effet été mis en évidence chez les usagers des réseaux sociaux et renvoie à la « crainte envahissante que d’autres pourraient avoir des expériences enrichissantes desquelles nous serions absents ». Cette peur d’être exclu socialement concerne avant tout la sphère personnelle , et notamment amicales. Ainsi, les questionnaires [1] permettant de diagnostiquer cette pathologie font exclusivement référence aux amis, qui peuvent certes êtres des collègues mais que l’on côtoie et avec lesquels on interagit dans la sphère privée.   Cette recherche de popularité et de reconnaissance sociale peut certainement s’appliquer à quelques personnes dans le monde du travail, notamment celles qui sont convaincues qu’ envoyer beaucoup de mails et en recevoir encore plus est la preuve qu’elles existent professionnellement et qu’elles sont conformes à l’éthique du « bon travailleur ». Cet unique angle d’analyse semble cependant assez mince pour expliquer à lui seul la banalisation de l’hyperconnexion dans le monde du travail. Ici encore, les auteurs rappellent que la communication numérique « n’est pas uniquement influencée par des motivations et des buts individuels mais également par des normes et attentes sociales : accessibilité permanente et réponses immédiates sont devenus une norme sociale  », particulièrement dans la sphère professionnelle. Sur cette base, je tente une hypothèse : si la FOMO existe en entreprise, elle pourrait avant tout tenir à la peur de rater une information urgente, de la part de ceux qui dévoient les outils destinés à communiquer en temps différé (comme l’e-mail) en dispositifs synchrones (comme le téléphone). Dans cette acception, la FOMO professionnelle ne serait pas tant pas la cause d’un mésusage compulsif des outils mais la conséquence d’un mésusage des outils de communication asynchrones dans un contexte organisationnel plongé dans l’urgence généralisée.   Développer notre intelligence numérique Comme on le voit, la vocation de cet ouvrage n’est pas uniquement de compiler des recherches scientifiques : il cherche également à dessiner des pistes d’actions concrètes. A cet égard, l’originalité de ce travail réside dans la construction d’un nouveau concept : l’ « intelligence numérique » , qui consiste à comprendre cet environnement numérique en mutation permanente dans lequel nous baignons et à apprendre à l’utiliser de manière optimale tout en préservant voire en améliorant notre santé psychologique, physique et notre bien-être à court et long termes. Le constat est ici sans appel : « nous n’avons jamais appris à bien utiliser les outils numériques » . Il serait temps de s’y mettre...Mais les compétences qu’évoquent les auteurs vont bien au-delà de la capacité à utiliser les outils sur un plan technique pour concerner des habilités communicationnelles au sens large : en tant de récepteur  : « capacité à analyser, comprendre et évaluer de manière critique leurs différents contenus » en tant qu’émetteur  : « capacité à produire des messages et à interagir en situation de communication dans des contextes variés «  Le développement de cette forme d’intelligence passerait par la mise en œuvre de 3 processus : mieux connaître les outils numériques , leurs effets et leurs limites mais également les objectifs souvent cachés que leur assignent les acteurs du digital mieux se connaître soi-même , notamment nos modes de fonctionnement sur les plans à la fois cognitifs, affectifs, comportemental et social ainsi que nos propres limites maîtriser ses comportements numériques , en gérant ses comportements compulsifs et se désirs grâce à une réflexion rationnelle et à la construction d’une stratégie cognitive. Pour que les « bonnes résolutions » qui en découlent ne restent pas un vœu pieu, les auteurs insistent sur l’importance d’ un plan concret permettant d’établir de nouveaux rituels comportementaux . Dans le monde professionnel, ces rituels individuels ne peuvent cependant suffire lorsqu’il s’agit d’outils de communication utilisés collectivemen t. Nous proposons donc de prolonger cette analyse en soulignant l’importance d’établir des rituels partagés, construits au plus près des besoins du travail réel et de ses contraintes . [1]   Przybylski, AK., Murayama, K., Dehaan, CR. et al. (2013).  « Motivational, emotional and behavioral correlates of fear of missing out ». Computers in human behavior , n° 29, p. 1841-1848. https://selfdeterminationtheory.org/wp-content/uploads/2014/04/2013_PrzybylskiMurayamaDeHaanGladwell_CIHB.pdf  ; https://osf.io/vzypj

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